De quelques manières de mettre un cheval au piaffer

Mettre un cheval au piaffer

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Euclides au piaffer

Je ne veux pas indiquer ici les techniques (ou la technique) qu'utilisait le maître pour apprendre le piaffer à un cheval, je veux simplement décrire la diversité des approches qu'il manifestait dans cette technique.

J'ai vu de mes yeux la plupart de ces manières, mais il y en a une que je n'ai jamais vue, c'est celle utilisant les piliers; certains me l'ont racontée, et j'en ai vu quelques films. Tout ici est donc témoignage ou «quasi-témoignage».

À cheval : Une des approches les plus fréquentes; le piaffer était demandé, d'abord comme mobilisation ou plus précisément comme «prise d'équilibre». Il fallait bien sûr que le pas soit bien rassemblé et le cheval dans les aides, mais c'était là des conditions normales de son travail au pas; avec un cheval qui avait quelques semaines de travail, qui connaissait l'épaule en dedans (à la Oliveira, c'est-à-dire bien sur les hanches), l'appuyer, on pouvait d'un instant à l'autre voir les premières foulées de piaffer se dessiner. C'était très souvent à main gauche, dans le coin du fond du manège après le petit côté, mais cela n'était nullement une règle et encore moins une nécessité.

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Le piaffer de Soante

J'ai aussi vu, mais une seule fois, un cheval commencer à piaffer à partir du passage.

À pied sans cavalier : Le piaffer commençait très souvent à pied, avec un cheval harnaché pour le travail; c'était alors souvent à la fin du travail monté. Le maître demandait à son cheval quelques foulées de pas dans une volte ou une portion de volte en épaule en dedans. Dans cet exercice, la main intérieure (droite pour une épaule droite en dedans) tient la rêne près de la bouche, la main extérieure tient l'autre rêne passée sur le garrot, à hauteur d'environ la quartier de la selle ainsi que la gaule; après quelques foulées de pas le cheval est amené au mur et il est sollicité par la gaule par de petites touches qui amènent invariablement (!) à la première diagonalisation du pas.

En répétant cette procédure le cheval pouvait assez vite (en quelques jours à raison de quelques minutes chaque jour) donner un joli piaffer en main.

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Apprentissage du piaffer en main

À pied avec un cavalier : Le cavalier, le long de la piste, a pour instruction de «laisser avancer par millimètres»; bien sûr c'est un cavalier déjà correctement assis et ne prenant pas sur les rênes pour respecter cette consigne. Le maître peut, selon les cas, avoir en main une simple gaule, une «grande cravache» (plus longue qu'un cravache de dressage), ou une chambrière. Il s'approchera des postérieurs et procèdera comme s'il n'y avait de cavalier, donnant de minuscules touches qui font l'effet d'une piqûre de moustique et forceront le cheval à mettre ses postérieurs en mouvement. Le cheval ne se défendait jamais contre l'homme dans ces cas-là, je crois que dans cette période des débuts du piaffer il ne savait pas du tout d'où venaient ces touches; ce n'est qu'après avoir bien réalisé ce qu'il devait faire, et avoir compris que c'est agréable (bien entendu il était récompensé à la moindre esquisse de piaffer, au début), qu'il associait l'homme et la cravache à l'obligation de piaffer.

Le petit film ci-dessous illustre cette technique, avec la participation de Bettina Drummond. Il a été réalisé à des fins pédagogiques, avec un cheval qui connaissait déjà le piaffer et ne démontre donc pas, à proprement parler, le déclenchement du piaffer chez un cheval qui ne le connaît pas. Mais il indique bien les points qui étaient essentiels aux yeux d'Oliveira, et en particulier la nécessité d'entamer l'air sans lutte.

Avec le premier des chevaux russes qu'il a achetés dans les années 1980, qui s'appelait Packet (orthographe non garantie), c'était moi le cavalier; le cheval était en dressage depuis une semaine et je l'avais monté un peu après lui, il voulait voir comment il travaillait sous moi. À un moment il me donna les instructions que j'ai mentionnées, en me précisant qu'il s'agissait simplement de tester son aptitude au piaffer. Il se contenta d'agiter la chambrière dans ses postérieurs et la mobilisation apparut immédiatement (je n'ai d'ailleurs jamais vu la suite du dressage de ce cheval).

Il y avait encore une variante de cette manière, dans laquelle le maître utilisait deux grandes cravaches, ou une grande cravache et une chambrière. Une grande cravache était pointée en avant de la tête du cheval, l'autre jouait son rôle vis-à-vis des postérieurs. Le cavalier devait s'assurer que le cheval était normalement dans les aides. Le cheval le long du grand coté, il s'approchait et agitait subtilement ses deux cravaches, celle de la tête ne touchant évidemment jamais le cheval. Le piaffer se dessinait très bien. C'est une méthode tout à fait exceptionnelle; je l'ai vue exécutée une fois pour apprendre le piaffer à un cheval (Thérèse de Mérode était la cavalière). Après cela le maître se tourne vers la tribune et nous explique qu'il tenait ce secret de son maître Miranda, ajoutant en substance «Les écuyers de Vienne qui n'arrivent pas à mettre leurs chevaux au piaffer n'ont qu'à faire appel à moi, je leur montrerai comment il faut faire!». Dans les mémoires du maître, en français «Souvenirs d'un écuyer portugais», une photo illustre cette technique (hélas après vérification cette photo ne se trouve que dans l'édition originale en portugais).

J'ai aussi vu un cheval piaffer comme cela, totalement nu et évidemment sans cavalier; c'était Harpalo Prince; mais il piaffait déjà par ailleurs et je ne sais pas s'il est possible d'enseigner le piaffer en utilisant cette technique sans cavalier.

Aux piliers : voici ce que m'ont raconté, indépendamment, deux témoins visuels. Cela se passe dans les années 80 près de Chartres, où des stages étaient organisés deux fois par an par Gérard Dufresne. Il y avait un joli petit manège, une carrière, et cette année-là des piliers avaient été mis en place. Il s'agit donc de montrer aux élèves comment un cheval doit être mis dans les piliers, et comment on peut les utiliser. On choisit un lusitanien qui n'a jamais piaffé de sa vie. Le cheval en licol est d'abord passé plusieurs fois entre les piliers, puis y est arrêté, calmé, et récompensé de moults morceaux de sucre. Puis il est attaché sur le licol, et encore récompensé. Certain que toute crainte a disparu, le maître qui a une grande chambrière se place derrière le cheval et commence par de petits attouchements à faire aller la croupe vers la droite, vers la gauche, sans violence évidemment mais sans laisser au cheval l'occasion de se défiler. Les mots «adeli» «adelà» accompagnent les déplacements, et les sucres continuent leur action bienfaisante.

Quand le cheval a bien pratiqué cet exercice, le maître se place un peu plus loin derrière et légèrement de côte et cesse de regarder le cheval: il explique ses gestes aux personnes présentes, finit en disant «maintenant le cheval est prêt à piaffer».

Puis il se retourne en direction du cheval et fait simplement claquer la chambrière, sans toucher le cheval, qui se met instantanément dans un piaffer régulier et calme! Vous remarquez évidemment la parenté très proche avec la description du travail aux piliers que donne La Guérinière dans L'École de Cavalerie

Les deux personnes qui m'ont raconté cela, et qui avaient déjà vu le maître faire pas mal de belles choses, n'en revenaient pas.

Et pour finir : Dans le centre hippique où je montais et dont l'instructeur, Pierre Minvielle-Debat, m'a envoyé au Portugal en 1968, certains des élèves colportaient de petites histoires plus ou moins avérées sur Oliveira, dont on commençait à parler pas mal à ce moment. Une de ces histoires était que pour mettre un cheval au piaffer, on lui «balançait», quand il était attaché au box ou dans sa stalle, des fourches dans les postérieurs. Inutile de dire que je n'ai jamais vu de telles horreurs et qu'elles n'ont rien à voir avec ce que faisait le maître!

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Auteur: Jean Magnan de Bornier

Created: 2018-09-03 lun. 17:51

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